Titanium Wars est un jeu de Frédéric Guérard, édité chez Euphoria Games et distribué par Iello. Il s’agit d’un jeu pour 3 à 4 joueurs âgés d’au moins 12 ans pour des parties allant de 60 à 90 minutes. Titanium Wars est un jeu de cartes futuriste offrant à ses joueurs d’incarner les chefs de civilisations spatiales en quête de Titanium, une précieuse ressource qui les poussera à développer et armer leur flotte, leur technologie, et se battre pour le contrôle des planètes les plus prolifiques.
C’est qui/quoi tous ces noms inconnus ?
Exception faite de Iello, il est possible qu’au moins un des trois autres noms en gras dans l’introduction ne vous évoque pas grand chose. Nous allons y remédier. Il y a un an, Frédéric Guérard, alors simple auteur Lillois « anonyme » et passionné, s’inscrivait pour concourir au prix Ludinord 2012 avec un prototype de jeu appelé Néo Titanium. Quelques mois plus tard, au terme des deux jours du désormais bien connu festival du jeu et de la création où le public a voté pour élire son favori, Néo Titanium remportait le prix dans la catégorie Stratégie ! Pour parfaire les présentations, nous vous aurions volontiers invité à regarder cette interview vidéo tournée au Brussel’s Café lors de la première des deux visites chez Ludopoly de ce sympathique primo-auteur fraîchement primé, mais quelques soucis techniques nous en empêchent…On travaille à trouver une solution (probablement tordue, et auquel cas, nous mettrons à jour l’article), mais cette chronique ne pouvait plus attendre plus longtemps un délicat sauvetage…
La nuit des étoiles…dans les yeux !
S’il est vrai que de nos jours, les primo-auteurs ont quand même un bagage ludico-culturel tel que l’on ne rencontre plus foule de jeux au design…décalé voire anachronique (pour ne pas dire simplement « moche »), force est de constater que Titanium Wars ne se contente pas de « faire le job » et propose un design réellement séduisant. On le doit au travail de quatre illustrateurs, (Igor Polouchine, qui a déjà officié sur plusieurs jeux Iello récents, Matthieu Rebuffat, Alexey Iakovlev, et Caroline Hirbec) et le résultat est épatant. L’ergonomie des cartes est bonne, certes bien aidée par des besoins en pictographie plutôt limités (c’est pas un jeu allemand !), mais les chiffres qui comptent sont bien mis en avant. Cerise sur le gâteau, l’absence de contour sur les cartes les plus « visuelles », qui ont le bon goût d’être également les plus nombreuses (donc toutes sauf les cartes « Tactique » qui sont surtout fonctionnelles et moins graphiques) apporte la dernière touche de confort visuel, qui accroît d’autant l’immersion.
Vous trouverez donc dans une boîte de Titanium Wars :
- 8 cartes Leader ;
- 50 cartes Tactique ;
- 12 cartes Planète/Evènement ;
- 65 cartes Vaisseaux/unités ;
- 96 cartes Armements/équipements ;
- 74 cartes Bâtiments ;
- plein de marqueurs de dégâts pour se mettre sur la tronche ;
- des cartes d’aides de jeu ;
- beaucoup d’argent ;
Dans l’espace, personne ne vous entendra crier
Si la référence est éculée et qu’il faut lui enlever sa connotation horrifique originelle, elle reste très à propos. Titanium Wars est un jeu très dynamique à bien des égards. Tout d’abord la structure d’un tour est très simple, fluide et se gère souvent de façon simultanée tant et si bien que l’on est sollicité en permanence et les tours défilent vite.
J’vous resservirai bien un ‘ti Tanium ?
Le premier mot qui vient en tête lors d’une première expérience « titaniesque » est : « évidence« . Tout est simple, évident, fluide. Il suffit de voir le peu de mots qu’il a fallu pour décrire le fonctionnement du jeu comparé à d’autres chroniques. Aucune voie n’est inutilement poussée jusqu’au bout du réalisme (et de la complexité). De la technologie, certes, mais pas d’arbre technologique à rallonge avec 24 bâtiments. Du combat, certes, mais pas 72 armes et 36 modificateurs à la Games Workshop d’il y a 10/15 ans. De la diplomatie, bien plus qu’il n’y paraît à la lecture des règles qui ne s’attardent guère dessus, mais la volatilité de la chose en situation de jeu fait que l’on n’y consacre que le temps nécessaire.
Par contre, le tort serait de s’arrêter à ce premier sentiment et faire abusivement le raccourci consistant à qualifier le jeu de simpliste. Ce risque existe réellement, c’est vrai, donc autant vous prévenir. Cependant le cas échéant, une seconde partie, d’autant plus facilement envisageable qu’elles sont relativement rapides, devrait vous faire revoir favorablement votre jugement.
Les cartes Tactiques rendent très bien compte des très nombreuses caractéristiques inhérentes aux batailles spatiales « malgré » un principe simplissime et intuitif. On retrouve notamment très bien restranscrites les notions de vitesse/réactivité des vaisseaux, en faisant des cibles plus ou moins faciles aux tirs ennemis, ainsi que la cadence de tir, grâce à la répartition statistique des vaisseaux pouvant tirer en fonction des cartes Tactique. La qualité de la transcription du « feeling » propre aux batailles spatiales sera certainement le premier point d’accroche qui captera votre attention et votre intérêt lors de la première partie.
C’est dans un deuxième temps que vous devriez savourer l’autre pan de Titanium. Le caractère épuré des différents domaines à développer (flotte, armement/technologie, bâtiments) rend la compétition plus âpre encore, car il devient plus dur de faire la différence face à ses concurrents et les devancer dans la course au Titanium. On se prend alors à chercher à optimiser ses revenus et ses investissements matériels, gérer sa flotte de façon raisonnable à la fois dans sa propension à aller à la guerre (ça n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît que de savoir quand lâcher un combat) que dans sa composition ! « Optimiser, gérer…m**** alors, c’est un jeu avec de la vraie stratégie, dites donc !?!? » C’est ce qu’on se tue à vous dire…
Toujours dans cette volonté d’offrir de la « profondeur sans lourdeur », les leaders, avec leur pouvoir propre (1 seul par leader : toujours dans l’optique de la légèreté) sympathique et réellement utile, offre des axes stratégiques assez distincts qui apporte une finesse supplémentaire au jeu. Finesse également apportée par les barrières habilement posées par l’auteur pour éviter le farming et maîtriser la durée de la partie.
Pour ce qui est du farming[ref]Farming : ne rien faire d’autre qu’amasser richesse, objets, etc.[/ref], le risque serait de se retrouver avec des joueurs qui esquivent un peu trop facilement le combat pour engranger de l’argent sans subir de pertes et revenir avec un avantage décisif lors de l’assaut suivant. Mais la limitation en terme de taille de flotte, d’équipements disponibles, d’emplacements pour les monter sur chaque vaisseau, ainsi que d’emplacements constructibles (dont des bâtiments permettant également d’agrandir la flotte comme le spatioport ou d’accroître les revenus) liés quant à eux aux planètes, qui ne s’obtiennent, par définition, qu’en allant au front et en étant le dernier debout, rend très vite caduque le plan (foireux) du farming.
Quant au rythme, la diplomatie étant très volatile dans ce jeu, et les conditions de victoire très facilement lisibles à chaque instant du jeu (posséder un certain nombre de gisements de Titanium), il y a forcément, à un moment ou à un autre, un gros risque de bashing[ref]Bashing : alliance de tous les joueurs contre celui qui est le plus près de la victoire[/ref]. Là encore, l’auteur a bien dosé le chiffrage des conditions de victoire suivant les différents modes de jeu et nombres de joueurs, afin d’arriver assez rapidement (mais pas trop quand même !) à la phase délicate où un joueur est en situation de gagner, et ainsi de s’épargner le « faux suspense » de combats pour des planètes sans grand enjeu qui n’auraient fait qu’accroître artificiellement la durée de partie, mais certainement pas le plaisir !
Pour finir, l’auteur propose deux variantes au jeu qui ajoutent encore plus de finesse à deux moments clés : la phase d’achat, et la phase de combat. Pour la phase d’achat, il propose aux joueurs de prendre en main plus de cartes que ce qu’ils comptent réellement acheter, et de ne révéler qu’en fin de phase ce que chacun achète concrètement. Un beau moment d’intox et de bluff en perspective, qui peut néanmoins ne pas apporter de différence sensible si vos joueurs jouent déjà de manière réglo sans traîner leurs yeux à droite à gauche durant la phase d’achat. Plus intéressant par contre, la seconde variante propose de ne révéler les cartes Tactique jouées que progressivement. Actuellement, tout le monde retourne sa carte, et ensuite on procède à la résolution. De fait, tout le monde voit grossièrement qui va tirer, quand, avec quoi, et sur qui, ce qui peut avoir tendance ensuite à influencer nos décisions en termes de répartition des points de dégâts quand vient notre tour de faire feu. Avec cette variante, on appelle progressivement les chiffres d’initiative de façon croissante, et les joueurs qui ont joué une carte correspondante la retourne à leur tour. De fait, on est davantage « dans le brouillard », sans savoir ce qui viendra après nous (le déluge ?). C’est autrement plus fin, mais aussi plus stressant, ce qui rend les combats encore plus palpitants !
La guerre du Titanium est loin d’être finie
Non content de proposer un jeu en l’état efficace et très plaisant, le sieur Guérard ne s’endort pas sur ses lauriers et travaille déjà activement à d’autres projets pour enrichir l’univers de Titanium, dont le background et le gameplay sont effectivement très propices aux développements. Ainsi peut-on sans plus attendre vous annoncer, sans trop éventer les surprises que concocte l’auteur, qu’une variante pour deux joueurs est en préparation, le jeu n’étant actuellement jouable qu’à 3 ou 4. Plus sympathique encore la possibilité de jouer en deux équipes de deux ! Ceci laisse présager de bons moments, avec de belles combinaisons dans les orientations de développements des planètes de chacun des équipiers, et dans la répartition des tâches dans les offensives !
A plus long terme encore, une nouvelle étape plus ambitieuse encore signera l’arrivée d’un cinquième joueur, fort de cartes et d’unités qui lui seront propres, dans une configuration de jeu asymétrique prometteuse où les joueurs pourront réaliser des interactions secrètes avec ce cinquième joueur ce qui renouvellera sensiblement le gameplay général.
Autant dire qu’on est déjà sur les dents…
N
Vous aimerez jouer à Titanium Wars si…
- vous êtes amateur de jeux de cartes nerveux ;
- vous êtes fans d’univers futuristes et de batailles spatiales ;
- vous cherchez à marier élégamment stratégie et tactique de combat ;
- vous êtes en quête d’un jeu qui saura allier profondeur et de légèreté ;
- vous ne souhaitez pas passer plus de 90 minutes sur un jeu, même dans la configuration la plus haletante possible ;
- vous êtes sensible à la qualité matérielle et esthétique d’un jeu ;
C
Vous n’aimerez pas jouer à Titanium Wars si…
- vous êtes réfractaire aux jeux de pure confrontation, « violente » et sans merci ;
- vous cherchez un jeu s’adaptant facilement à des configurations variées de jeu (ne se joue qu’à 3 ou 4… pour l’instant en tout cas !) ;
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