K2 et son extension K2 – Broad Peak sont deux jeux pour 1 à 5 joueurs de 8 ans et plus et d’une durée de 60 minutes créés par Adam Kaluza et édités initialement par Rebel, un éditeur polonais, qu’a ensuite « occidentalisé » White Goblin Games, l’éditeur néerlandais, avant que Iello n’ajoute sa pierre à l’édifice en se chargeant de sa distribution en France ! Si vous avez déjà le souffle court après cet impressionnant parcours venant du froid, vous êtes mal partis pour K2, car dans ce jeu, vous incarnez une cordée de deux alpinistes à l’assaut du K2, le deuxième sommet le plus haut du monde après l’Everest, qui culmine à 8611 mètres. Votre but est de faire gravir votre équipe le plus haut possible durant le laps de 18 jours que dure l’expédition. Mais pour ce faire, il vous faudra braver le climat et gérer les prévisions météorologiques finement, vous acclimater au manque d’oxygène et doser astucieusement votre prise de risque pour éviter une chute mortelle ou l’hypothermie.
Votre seul soutien : vous-même, et une tente pour chacun de vos alpinistes. Bonne excursion !
La Montagne, ça vous gagne…[ref]Source : indéterminée. Probablement un copain de Jacques Séguéla pour le compte d’une publicité pour une station de ski.[/ref]
Si Adam Kaluza est un nom qui ne vous parle pas, ça n’est pas totalement étonnant. Cet auteur polonais voit ses jeux publiés depuis 2006 pour le plus ancien (Glik, qui existe en version print-to-play appelée Glak), mais rien n’était paru sous nos contrées jusqu’à ce beau jour d’octobre 2010. Au célébrissime salon d’Essen 2010 fut présenté pour la première fois par l’éditeur polonais Rebel, K2. Et il aura déplacé des montagnes outre-Rhin, bien aidé par la passion de son auteur pour l’escalade et la spéléologie, puisque en plus de l’enthousiasme qu’il a suscité chez les joueurs, il s’est attiré les faveurs d’éditeurs pour répandre la bonne parole, White Goblin Games et Iello en tête. Cerise sur le gâteau, K2 fait maintenant partie des nominés au très prestigieux prix du KennerSpiel des Jahres, avec Descendance (que nous chroniquions déjà ici) et Targi. Hasard du calendrier, cela faisait justement plusieurs semaines avant que ne tombe l’info (lundi 21 mai) que cette chronique était en préparation afin de remettre en lumière ce jeu qui nous semblait injustement passé sous silence sous nos latitudes au nom de quelques griefs pas forcément très justifiés à y regarder de plus près. On espère qu’au terme de cette chronique, sans aller jusqu’à le « réhabiliter », nous vous aurons convaincu qu’il mérite au moins sa nomination !
La montagne nous offre le décor, à nous d’inventer l’histoire qui va avec[ref]Source : Nicolas Helmbacher[/ref]
Pour assurer brillamment l’ascension du K2, rien de plus simple. Vous commencez avec vos deux alpinistes au pied de la montagne. Vous disposez d’un deck de 18 cartes faces cachées. Les cartes sont de deux types : les cartes d’action grâce auxquelles vous pourrez vous déplacer et/ou poser votre campement, et les cartes d’acclimatation qui vont vous permettre de récupérer des points d’oxygène sans lesquels vos personnages mourraient. Vous débutez la partie avec les six premières cartes du deck dans votre main, et devrez choisir parmi celles-ci les trois que vous allez jouer ce tour-ci (impérativement trois, ni plus ni moins), en gardant en tête que vous serez libre d’affecter leur effet à n’importe lequel de vos deux alpinistes (à la seul condition de ne pas « découper » en deux l’effet d’une carte). Lorsque le deck est épuisé, on mélange toutes ses cartes et on recommence : il tourne donc trois fois durant les 18 tours de jeu.
La montagne n’est ni juste, ni injuste : elle est juste dangereuse[ref]Source : Reinhold Messner[/ref]
Maintenant qu’on a vu le principe de jeu, simplissime au demeurant, intéressons-nous maintenant à toutes les embûches et autres pièges sournoisement cachés sous l’amas neigeux.
Quand tu es arrivé au sommet, continue de grimper[ref]Source : proverbe chinois[/ref]
Le problème qui se présente inévitablement avec les jeux de parcours, c’est que le décorum est généralement fixe. On a beau dire, il n’y a pas vingt sentiers différents menant au sommet du K2. C’est justement pour renouveler au maximum chaque partie qu’Adam Kaluza a déployé une batterie d’astuces hautement thématiques.
Avec la version de base de K2 :
Règles de K2 (VF) (2,8 MiB, 113 téléchargements)
Si le K2 est moins célèbre que l’Everest, il faut y voir le signe d’un challenge autrement plus relevé, puisque le K2 aura vu dix fois moins d’alpinistes que son « voisin » réussir à planter leur drapeau à son sommet. Bien conscient du caractère « hors norme » du mont, l’auteur prend plaisir à faire vibrer la corde sensible de notre témérité et notre envie de repousser les limites en proposant des variantes allant toutes crescendo dans la difficulté du défi.
Avec l’extension K2 – Broad Peak :
Règles de K2 Broad Peak (VF) (1,0 MiB, 1 téléchargements)
L’extension de K2 dénommée Broad Peak est sortie courant 2011 et apporte véritablement de la nouveauté sans dénaturer le premier opus. Elle apporte un plateau double face supplémentaire et quelques jetons propres aux deux scénarios que propose l’extension.
Avec l’extension K2 – Avalanche
K2 Avalanche est une mini-extension sortie assez discrètement il faut bien le dire : rien sur le site de Rebel ni sur celui de Iello. Disponible en VPC à 3€ (si votre crémier fait de l’import) ou sur BGG, l’extension se compose de quatre tuiles de météo spécifiques qui apportent, comme le laisser présager le titre, la gestion des avalanches ! Pour les règles, il faudra repasser ! Mais comme un sujet a été ouvert sur le fonctionnement de K2 – Avalanche sur le forum de BoardGame Geek, on vous en offre la transcription dans la langue de Molière.
Règles de K2 Avalanche
- Retirez aléatoirement deux tuiles météo parmi celles que vous allez utiliser, puis ajouter deux tuiles de K2 Avalanche que vous placerez au hasard dans l’ordre de la pile de tuiles météo.
- L’effet de l’Avalanche (l’icône en forme de gros tas de neige bancal qui glisse) se traite à la fin de la phase d’acclimatation, après avoir fini de régler les questions d’oxygène (vous comprendrez pourquoi au point 3 !).
- L’effet de l’Avalanche est le suivant :
- si l’alpiniste pris dans l’avalanche est dans une tente (ou un abri dans Broad Peak) il ne perd qu’un point d’acclimatation.
- si l’alpiniste pris dans l’avalanche n’est pas protégé, il est descendu dans la case inférieure la plus proche. Si plusieurs cases s’offrent au propriétaire de l’alpiniste, c’est ce dernier qui choisit où il fera chuter son alpiniste.
NB : Suite à l’avalanche, il se peut que le nombre de joueurs maximum autorisés par case soit supérieur à la limite autorisée. C’est la seule exception autorisée. (cela dit, chez Ludopoly, on ajoute qu’il appartient aux joueurs, et notamment aux derniers, de « régulariser » la situation le plus vite possible !)
La gestion de l’Avalanche vous fera définitivement vous arracher les cheveux, notamment avec le scénario Broad Peak avec une seule tente par équipe (et pas d’abri comme dans Course au sommet) ; et si en plus de tout ça, vous partez à l’aventure en hiver, vous serez un Homme, un vrai !
Nos impressions en plantant le drapeau au sommet
Alors disons le tout de suite, K2 est une véritable claque immersive ! Absolument tout dans le jeu a été conçu pour vous donner l’impression que vous êtes en pleine séance d’escalade dans votre salon, que ça soit graphiquement ou mécaniquement ! Et de la même façon que durant une ascension d’un tel pic, l’environnement change très vite, le jeu K2 est tout aussi protéiforme. Mélangeant très habilement les genres, K2 parvient en premier lieu à faire cohabiter avec brio programmation/optimisation et impondérables hautement thématiques aux effets admissibles sans qu’ils ne provoquent de cris d’orfraies, notamment avec le principe du deck identique pour tous de 18 cartes (seulement, dont beaucoup d’identiques[ref]Composition du deck : 5 cartes acclimatation dont 4 différentes (0 ; 1 ; 1 ; 2 ; 3) + 10 cartes mouvements dont 3 différentes (5 x 1 point ; 3 x 2 points ; 2 x 3 points) et 3 cartes cordées uniques (+1/-2 ; +1/-3 ; +2/-3)[/ref]) qui tournent jusqu’à épuisement six fois par partie (un soupçon de hasard dans l’ordre d’apparition des cartes, mais beaucoup de contrôle grâce aux cartes peu variées et le fait de choisir trois cartes sur 6), la météo semi-prévisible, la délicate sélection des cartes requérant anticipation des coups adverses mêle analyse objective de la situation et psychologie fine des adversaires pour s’épargner la prise des jetons « prise de risque » (bien qu’il faille savoir également identifier quand il est intéressant et peu gênant de récupérer un de ces fichus jetons). L’ensemble de ces garde-fous contribuent à la fois à éviter la loterie, mais également l’opposé qui rodait jusqu’à présent en taisant son nom : la martingale. En effet, s’il peut sembler à première vue facile, sur le papier, de faire un gros score avec une technique apparemment semblable d’une partie à l’autre, la pratique exigera, pour réitérer dans la durée des résultats dignes d’un véritable sherpa tibétain, beaucoup plus de finesse, d’habileté, de réactivité et de sens du tempo qu’il n’y paraît. Si la réactivité est de mise, il vous faudra également gérer vos ressources avec une vision plus long-termiste, notamment dans le timing des cartes jouées (surtout pour les tours 5/6, 10/11 et 15/16 ; la gestion des tentes et de leur efficacité, etc…)
L’écueil typique du jeu de parcours est évité, grâce au renouvellement présent avec les deux faces du plateau et les deux saisons de la météo, mais bien que le niveau de difficulté y évolue crescendo, on pourrait leur reprocher de respecter (et inciter à) la même philosophie. Le challenge en solo apportera une modification plus sensible de votre approche, grâce au seul ajout du caractère systématique de la prise des jetons « prise de risque » avec lesquels il faudra composer encore plus astucieusement. Mais c’est véritablement l’extension Broad Peak qui bousculera franchement vos idées préconçues de joueur aguerri, notamment en changeant les règles, d’une part, et surtout faisant évoluer la façon de gérer la relation et les répartitions des tâches et des objectifs entre vos deux alpinistes.
Tout dans le jeu dénote un affinage très efficace de l’équilibrage, dans la conception des parcours et de leurs embûches, l’impact de la météo, jusqu’aux pistes de scores (tous plateaux et toutes extensions confondues) à la segmentation comptable parfaite qui provoquera des décisions et des arbitrages différents en fonction des plateaux, et, dans le cas de Broad Peak, ajoutera des objectifs supplémentaires dont il faudra soigneusement évaluer la rentabilité.
Enfin, dans les sensations de jeu et l’ambiance qui se dégage des parties, K2 détonnera définitivement du reste de la production ludique en recréant parfaitement la dualité de l’alpiniste/joueur, oscillant entre l’esprit de compétition pour gravir le sommet le premier, et la silencieuse solidarité/compassion avec vos autres compagnons de galère qui, comme vous, se mangent la neige, le froid et la glace en pleine poire dans ce défi finalement quelque peu vain en maugréant « mais qu’est ce que je fous à me les peler sur ce fichu caillou ! ». Hors de question de parler d’un jeu coopératif, bien sûr, mais il emprunte au genre la caractéristique typique du jeu quasi-organique qui s’oppose ostensiblement aux joueurs, qui se retrouvent alors tous logés à même enseigne, avec cet ennemi « commun » supplémentaire. Plus encore qu’un jeu plus typiquement allemand, où DSCG[ref]DSCG : Diplôme Supérieur de Comptabilité-Gestion[/ref] et cubes en bois cohabitent autour de la table, K2 est l’allégorie parfaite du proverbe « peu importe le résultat, c’est le cheminement qui compte » et vous fera, quoi qu’il arrive, sortir de la table de jeu avec satisfaction, ne serait-ce que celle d’avoir survécu aux 18 jours d’expédition !
Vous aimerez jouer à K2 et K2-BroadPeak si…
- vous cherchez un jeu très thématique ;
- vous préférez un format rapide n’excédant pas 60 minutes ;
- vous cherchez un jeu jouable seul ;
- vous avez occasionnellement beaucoup d’amis (5 joueurs max) ;
- vous cherchez un jeu aux règles intuitives, logiques et légères ;
- vous souhaitez rentabiliser dans le temps votre investissement ;
- vous aimez la montagne et/ou l’alpinisme ;
Vous n’aimerez pas jouer à K2 et K2-BroadPeak si…
- vous n’appréciez pas la présence (fusse-t-elle contrôlée) de hasard ;
- vous n’êtes pas porté sur les jeux de parcours (encore que K2 pourrait justement vous réconcilier avec ce genre !) ;
- vous aimez les jeux où les actions différentes possibles sont nombreuses et variées ;
- vous n’aimez pas qu’en décembre/février, la nature rappelle à tous qu’elle est la plus forte ;
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